Ressources

Comment la palette de couleurs influence la perception de votre marque

Dans la construction d’une identité visuelle mémorable, la couleur est un élément fondamental souvent sous-estimé. Entre 62% et 90% de l’évaluation initiale d’un produit se base uniquement sur les couleurs¹, tandis qu’elles jouent un rôle majeur dans la reconnaissance et la mémorisation des marques². Ce n’est donc pas un sujet réduit à une question d’esthétique, mais un véritable levier stratégique qui mérite toute votre attention.

Notre relation intime aux couleurs

Dès le moment où notre rétine détecte une couleur, c’est tout notre corps qui réagit, d’une façon presque viscérale : un bleu peut ralentir notre respiration sans qu’on s’en rende compte, un rouge va accélérer légèrement notre pouls, un jaune attire immédiatement notre regard.

Ces réactions sont bien réelles, même si elles opèrent sous le seuil de notre conscience. Et ce qui complexifie encore cette relation, c’est qu’environ 8% des hommes et 0,5% des femmes perçoivent ces couleurs différemment de la majorité3. Une marque qui mise tout sur un contraste vert/rouge peut ainsi involontairement créer une expérience confuse pour une partie non négligeable de son public.

Mais attention aux simplifications excessives. Si ces réactions physiologiques existent, elles sont considérablement modulées par le contexte, les associations et les nuances. Un vert acide n’évoque pas la même sensation qu’un vert forêt profond. Un rose pâle et un magenta vibrant déclenchent des réponses très différentes. C’est cette richesse de nuances qui rend le travail chromatique si passionnant et si éloigné des formules toutes faites.

Au-delà des préférences personnelles

Les discussions sur les couleurs commencent souvent par des réactions personnelles tout à fait légitimes : « J’ai toujours aimé le bleu » ou « Le orange ne correspond pas à l’image que je me fais de mon entreprise ». Ces préférences sont naturelles et compréhensibles, mais elles ne constituent qu’un point de départ dans la réflexion sur l’identité visuelle d’une marque.

La couleur d’une marque va bien au-delà des goûts personnels. C’est un choix stratégique qui influence la façon dont on est perçu, souvent avant même qu’un mot soit lu. Quand on y pense, c’est assez incroyable, ces simples fréquences lumineuses créent un cadre émotionnel qui teinte l’interprétation de tous nos messages.

Regardez les trois images ci-dessous, je suis certaine que vous pouvez identifier les marques associées, même en l’absence de texte et de logo : 

Je vous donne quand même les réponses au cas où : Mc Donald, Leroy Merlin et La Poste. Cette capacité des couleurs à représenter une marque entière illustre leur valeur stratégique fondamentale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certaines entreprises protègent juridiquement leurs teintes spécifiques comme de véritables actifs.

L’univers chromatique prend une dimension particulièrement stratégique dans nos environnements digitaux. À l’heure où nous naviguons entre une multitude d’interfaces et de plateformes, la couleur permet à l’utilisateur de se situer instantanément. Dans un espace digital saturé d’informations, votre palette distinctive agit comme un signal de reconnaissance immédiat, un guide qui oriente l’attention, facilite la navigation intuitive et invite les utilisateurs à passer à l’action.

Trois principes pour une palette stratégique

En explorant ce sujet, trois principes semblent essentiels pour composer une palette vraiment efficace :

1. Comprendre puis transcender les codes sectoriels

Chaque secteur a son langage chromatique implicite. Observer ces codes est la première étape pour décider comment les respecter… ou les bousculer intelligemment. L’enjeu est de trouver ce point d’équilibre délicat : assez familier pour être crédible, assez distinct pour être mémorable.

2. Établir une hiérarchie chromatique claire

Une palette n’est pas juste une collection de jolies couleurs. C’est un système où chaque teinte joue un rôle précis. L’organisation de ces rôles en trois niveaux est souvent efficace : couleurs principales (environ 60% de présence), secondaires (30%) et accents (10%). Cette hiérarchie devient ensuite comme une boussole qui guide tous les choix visuels.

3. Tester la palette dans le monde réel

Une palette parfaite sur écran peut réserver des surprises dans le monde réel. Ceci s’explique notamment par la différence fondamentale entre les systèmes colorimétriques : les écrans utilisent le RVB (Rouge-Vert-Bleu) qui produit des couleurs par émission de lumière, tandis que l’impression fonctionne en CMJN (Cyan-Magenta-Jaune-Noir) par absorption, créant des écarts souvent significatifs. Tester sa palette dans les conditions réelles d’utilisation est donc essentiel pour s’assurer que l’intention visuelle originale reste intacte, quel que soit le support.

Approches à reconsidérer avec un regard critique

Certaines habitudes tenaces méritent d’être questionnées :

Utiliser toutes les couleurs du logo

On observe souvent cette tentation d’utiliser systématiquement toutes les couleurs d’un logo dans chaque support. L’intention est bonne, créer de la cohérence. Mais paradoxalement, une palette trop étendue utilisée sans hiérarchie finit par diluer l’impact visuel.

Une approche plus efficace est de choisir 1-2 couleurs dominantes et de réserver les autres à des touches plus discrètes. Cette discipline crée une signature plus mémorable que l’éparpillement chromatique.

Sélectionner des couleurs uniquement sur leur symbolique

« Le bleu inspire confiance », « le rouge évoque la passion »… Ces associations symboliques, bien que partiellement vraies, sont souvent appliquées de façon trop littérale. Cette approche conduit à des choix prévisibles et génériques qui ne tiennent pas compte du contexte spécifique de chaque marque.

Une démarche plus nuancée considère ces symboliques comme point de départ, mais les enrichit par la spécificité du contexte, les associations culturelles particulières et les variations subtiles de teintes. Par exemple, plutôt que d’opter pour « un bleu » générique censé évoquer la confiance, on choisira une teinte précise dont la profondeur, la luminosité et les associations visuelles créeront une expression unique de cette valeur.

Adopter des tendances comme fondation

Mocha Mouse, Peach Fuzz, Viva Magenta… Pantone a transformé la couleur en événement marketing avec sa « couleur de l’année ». Mais l’identité d’une marque n’est pas comparable au mur d’un salon, repeint au gré des modes.

Construire une identité visuelle sur ces fondations éphémères, c’est bâtir sur du sable, séduisant aujourd’hui, potentiellement obsolète demain.

Une stratégie plus pérenne pourrait plutôt intégrer ces teintes contemporaines comme simples accents d’une palette principale intemporelle, permettant à votre marque de rester actuelle sans paraître datée au prochain cycle de tendances.

La richesse d'une palette bien structurée

« Combien de couleurs dans une palette idéale ? » Cette question revient souvent, et la réponse peut surprendre : « Moins qu’on ne le pense, et plus qu’on ne le croit. »

Une palette efficace démarre généralement avec un nombre restreint de couleurs principales, souvent entre 2 et 4. Cette limitation n’est pas une contrainte, mais une force. Elle facilite la reconnaissance et crée ces associations mémorielles si précieuses entre certaines teintes et une marque.

Mais voilà où ça devient intéressant : pour chacune de ces couleurs principales, on peut développer toute une famille de variations. Des versions plus claires ou plus foncées, plus saturées ou plus douces. Cette approche par « familles chromatiques » offre une flexibilité remarquable tout en maintenant une cohérence évidente.

Cette méthode est particulièrement pertinente pour les marques qui ont besoin de différencier plusieurs gammes ou services. Chaque segment peut ainsi s’approprier sa propre variation tout en restant visuellement connecté à l’ensemble. C’est comme une famille dont chaque membre a sa personnalité tout en partageant un air de ressemblance.

La cohérence comme fondement de confiance

Au final, la valeur d’une palette ne se mesure pas tant au choix stratégique de ses couleurs qu’à la constance de leur application. Des palettes pertinentes peuvent perdre tout leur impact lorsqu’elles sont utilisées de façon incohérente d’un support à l’autre.

Cette cohérence chromatique fonctionne comme une empreinte digitale pour votre marque. Un client qui retrouve les mêmes teintes à chaque point de contact développe, sans même s’en rendre compte, un sentiment de fiabilité envers la marque. C’est presque subliminal, mais c’est puissant.

Ce processus ressemble à la création d’une signature visuelle. Au début, cette signature n’existe que sur le papier. Mais c’est sa répétition, jour après jour, qui la transforme en quelque chose d’immédiatement reconnaissable et chargé de sens.

La couleur n’est ni un simple détail décoratif, ni une science exacte aux règles immuables. C’est un langage nuancé qui, lorsqu’il est maîtrisé, transforme profondément la perception d’une marque. Au-delà des tendances et des symboliques conventionnelles, c’est dans la cohérence, la hiérarchie et la contextualisation que réside le véritable pouvoir des couleurs.

Si votre palette actuelle ne reflète pas pleinement ce que vous souhaitez communiquer, peut-être est-il temps d’engager cette réflexion, car la couleur n’attend pas pour parler en votre nom.

1. S. Singh, « Impact of color on marketing », Management Decision, vol. 44, no 6, 2006, p.785, https://doi.org/10.1108/00251740610673332 

2. Gaëlle Pantin-Sohier, « Le rôle de la couleur dans le marketing : un outil stratégique de communication sensorielle », Revue des Sciences de Gestion, n° 252-253, 2012, p. 99-108, disponible en ligne : https://shs.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2012-2-page-99?lang=fr

3. LE DALTONISME, Fédération Wallonie-Bruxelles, p. 3, https://www.wbe.be/fileadmin/sites/wbe/uploads/Documents/Ressources/Ressources_pedagogiques/Daltonisme.pdf

Pour recevoir tous les articles abonnez-vous ma newsletter

Une fenêtre sur mon univers créatif, qui respecte votre temps et votre boite mail.